Comment définir l’intelligence ?4 min read
On ne sait pas encore définir précisément l’intelligence. Plus d’un siècle après sa naissance – le test d’intelligence de Binet et Simon date de 1905 -, le débat autour de la définition et de la mesure de l’intelligence n’est toujours pas clos.
En fait, le terme « intelligence » est trop flou et toutes les définitions proposées à ce jour buttent sur des contradictions internes. Aussi les spécialistes préfèrent parler d’intelligence générale qui correspond à une définition précise.
Etymologie
Le mot « intelligence » est emprunté au latin intelligentia, « faculté de percevoir », « compréhension », « intelligence », dérivé de intellĕgĕre (« discerner », « saisir », « comprendre »), et composé du préfixe inter- (« entre ») et du verbe lĕgĕre (« cueillir », « choisir », « lire »). Aussi, étymologiquement, l’intelligence consiste à faire un choix, une sélection.
De l’intelligence générale aux intelligences multiples
La première définition a été celle de Binet (France, 1904) qui pour définir son test, s’est basé sur la constatation qu’il n’y a qu’une seule caractéristique de l’intelligence humaine sur laquelle tout le monde s’accorde : « elle s’accroît pendant l’enfance (au moins jusqu’à la mi-adolescence) sans que cet accroissement ne nécessite aucune acuité sensorielle exceptionnelle, ni aucune éducation spécifique ». Les tests ont traversé l’Atlantique et leur analyse statistique (analyse factorielle) a permis à Spearman de préciser un Facteur g (pour intelligence générale) qui explique 80% de l’intelligence mesurée dans les tests.
Dès les années 20, Edward Lee Thorndike, psychologue américain, s’insurge contre une vision étriquée de l’intelligence. Il met en avant le caractère multidimensionnel de l’intelligence, et distingue les capacités abstraites des capacités sociales. Novatrice, sa thèse passe pourtant inaperçue.
Dans les années 30, l’Américain Cattell a décomposé ce g en g fluide (qui décroît avec l’âge) et g cristallisé qui reste stable (ils se rapprochent respectivement des tests « de performance » et « verbaux » de Wechsler).
Par la suite, l’utilisation de l’analyse factorielle a permis à différents chercheurs de distinguer de multiples facteurs de l’intelligence (de 3 à 150), mais à ce jour aucune approche n’a permis de remettre en cause le Facteur g.
Il faudra attendre les années 80 pour que, de nouveau, un théoricien ose remettre en cause le consensus de « l’intelligence intellectuelle ». C’est Howard Gardner, éminent professeur de psychologie à Harvard qui met le feu aux poudres. Il publie un livre confidentiel, destiné à l’origine à un cercle fermé de spécialistes. Mais, contre toute attente, « Frames of Mind : the Theory of Multiple Intelligence », a du succès auprès du grand public. Gardner y expose sa théorie des intelligences multiples, égratignant au passage la société occidentale et sa démarche de normalisation.
Howard Gardner définit d’abord 7 puis 9 formes d’intelligence : logico-mathématique, langagière, visuo-spatiale, musicale, corporelle, émotionnelle, parfois divisée en intrapersonnelle (faculté à bien se comprendre soi-même) et interpersonnelle (faculté à bien comprendre les autres) ; mais aussi naturaliste et enfin existentielle. Cette théorie est largement médiatisée et connaît un grand succès public, notamment parce que, sur le lot, tout le monde réussit à trouver son compte.
Finalement, aujourd’hui, un large consensus s’est ainsi établi autour du modèle hiérarchique de l’Américain John Bissell Carroll qui en 1993 a synthétisé les travaux existants. J.B. Carroll conçoit l’intelligence comme une pyramide à trois niveaux : à la base, on trouve une trentaine de capacités spécifiques, comme les capacités de raisonnement, la mémoire visuelle, la fluidité des idées, l’aisance numérique, le vocabulaire.
Au deuxième niveau, ces capacités se regroupent en huit grands facteurs, dont l’intelligence fluide, l’intelligence cristallisée, la mémoire, la vitesse de traitement de l’information, etc. Au sommet de la pyramide, se trouve un facteur d’intelligence générale.
Mesurer l’intelligence ?
Il est amusant de constater que si on ne sait pas bien définir l’intelligence, on sait cependant la mesurer depuis le fameux test de Binet et Simon en 1905 : les tests de QI mesurent bien ce qui est considéré unanimement comme l’intelligence. Pour être plus précis, les tests mesurent le Facteur g, qui est une représentation fiable de ce que la majorité définit comme l’intelligence. La compréhension de la relation entre Intelligence et Intelligence Générale est essentielle pour comprendre l’état actuel de la recherche, et éviter les dérives que l’on lit souvent.