Comment la mécanique quantique va mesurer le monde3 min read
Il était temps de moderniser notre système d’unités (SI) et de le refonder sur ce que la physique nous offre aujourd’hui de plus fiable et universel : les constantes fondamentales.
Celles de la mécanique quantique notamment, la physique de l’infiniment petit, représentent ce que nous connaissons de plus stable, tant dans la régularité des phénomènes que dans leur précision. « Le moteur du changement en cours est assurément l’émergence de la mécanique quantique dans l’univers de la métrologie », confirme Christian Bordé, président du Comité science et métrologie de l’Académie des sciences. Ainsi, le kilogramme est redéfini à partir de la constante de Planck, h. « Celle-ci est en effet le produit d’une énergie par un temps », ajoute le CNRS, « et l’énergie est reliée à la masse via l’équation E = mc2. Pour sa part, le kelvin est redéfini à partir de la constante de Boltzmann (k), liée à la mesure de l’agitation thermique des constituants fondamentaux d’un corps. Quant à l’ampère, qui n’est autre qu’une charge par unité de temps, il est relié à la charge élémentaire (e). Enfin, la mole, l’unité de quantité de matière, est définie directement en fixant la constante – ou nombre – d’Avogadro (NA). »
Le CNRS note cependant que le nouveau SI reflète uniquement la connaissance que l’on a de la physique à l’heure actuelle. Ce qui suppose des évolutions possibles dans le futur en fonction de l’avancée de la science. Rassurez-vous, ces nouvelles définitions ne vont pas changer votre quotidien ! Le grand public n’est pas vraiment concerné…
Pour les secteurs intéressés, la continuité est assurée entre l’ancien et le nouveau système. Les valeurs des constantes fondamentales ont pu être fixées après avoir été mesurées très précisément – donc avec une très faible incertitude – selon les anciennes définitions. L’incertitude de la mesure porte donc désormais sur les anciens étalons de référence. Alors pourquoi changer de références ?
« Tout simplement parce qu’une fois le kelvin fondé sur une constante fondamentale, sa définition n’impliquera plus aucune température particulière, évitant très concrètement la propagation d’erreurs dans l’étalonnage des thermomètres au fur et à mesure que l’on s’éloigne du point triple de l’eau. Idem avec le kilogramme, qui désormais ne fera plus aucune référence à un étalon matériel. Etc. » Comme l’analyse Marc Himbert, du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), « les premiers bénéficiaires du nouveau kelvin devraient être les industries concernées par les hautes températures. En effet, 60% des capteurs présents dans l’industrie sont des capteurs de température ».
Les laboratoires de recherche fondamentale sont également concernés par les très basses températures, de même que par les propriétés de la matière aux échelles les plus fines. Par exemple, « le GPS aurait été quasi impossible à développer sans la redéfinition du mètre, en 1983 », souligne le métrologue. Le nouveau SI augmentera donc la confiance dans les unités fondamentales, et ce au niveau international.
À condition qu’il soit adopté rapidement par tous. On se souvient de l’échec malheureux, le 23 septembre 1999, de la sonde Mars Climat Orbiter qui s’est écrasée sur Mars. « En cause, un logiciel de vol exprimant la poussée des micropropulseurs en unités de mesure anglo-saxonnes, quand celui de l’équipe de navigation qui recevait ces données pour calculer les corrections de trajectoire les exprimait dans les unités du système métrique… » note Marc Himbert. Dans le domaine des mesures tout particulièrement, l’internationalisation s’impose…